Barbara Le Moëne
Vit actuellement à Lyon et en Catalogne. De formation commerciale (EMLyon) et littéraire (Agrégation de Lettres). Formation aux arts plastiques dans de nombreux ateliers de modèles vivants. Long séjour à Mayotte dans l’Océan Indien, qui la transforme. En 2017 se rend compte qu’elle a vécu longtemps un peu à côté d’elle-même et décide de se consacrer pleinement à la peinture et à l’écriture. Depuis, des expositions régulières, trois recueils édités et des publications en revue (Ecrit(s) du nord, Contre-Allées, Verso, Recours au poème, Terre à Ciel, Lichen…)
Des peintures réalisées au retour de Mayotte (rouge et sienne de la terre d’Afrique, bleu du lagon) pour une tentative de déchiffrement du monde en même temps qu’un chemin de découverte de soi. Des poèmes sur Mayotte dans le dernier recueil publié Lieux. Exils, voyages, chez L’Harmattan.
Site : http://barbara-le-moene.wixsite.com/artiste
Vit actuellement à Lyon et en Catalogne. De formation commerciale (EMLyon) et littéraire (Agrégation de Lettres). Formation aux arts plastiques dans de nombreux ateliers de modèles vivants. Long séjour à Mayotte dans l’Océan Indien, qui la transforme. En 2017 se rend compte qu’elle a vécu longtemps un peu à côté d’elle-même et décide de se consacrer pleinement à la peinture et à l’écriture. Depuis, des expositions régulières, trois recueils édités et des publications en revue (Ecrit(s) du nord, Contre-Allées, Verso, Recours au poème, Terre à Ciel, Lichen…)
Des peintures réalisées au retour de Mayotte (rouge et sienne de la terre d’Afrique, bleu du lagon) pour une tentative de déchiffrement du monde en même temps qu’un chemin de découverte de soi. Des poèmes sur Mayotte dans le dernier recueil publié Lieux. Exils, voyages, chez L’Harmattan.
Site : http://barbara-le-moene.wixsite.com/artiste

Malago
Villages
Villages
qui longent la côte
de Grande Terre
pullulent
fourmillent
grouillent
chacun
une termitière
*
Tsararano
Illoni
Nyambadao
Mbouyouni
Moutsamoudou
villages
aux sonorités incantatoires
surgis de la nuit des temps
pétris dans les entrailles
tièdes et rouges
de la terre de Mayotte
*
Glissant parmi la foule
mwana ndzidou
mwegné chidza
mbouéni na chiromani
passante enchantée
j'ai volé quelques scènes
au village
d'Hamouro
*
Sur le pas des portes ocrées
j'ai vu la lumière
se refléter
sur les corps des femmes
angadza na miwili za mutru mama
allongées là
depuis la nuit des temps
paniers tressés
chevelure nattée
mukoba
na ziélé suké
*
Sur le pas des portes ocrées
où pendent les sacs de riz
lambeaux immuables
rideaux que teintent
les rouges éclaboussures de pluie
*
Autour des cases
j'ai vu les garçonnets nus
courir et se chamailler
les fillettes se pourchasser
princesses légères
en robe
à la traîne poudreuse
*
Sous l'ombre bleue
d'un abri de branchage
des hommes jouaient au m'ra
j’enviais la lenteur ordinaire
de leurs gestes antiques
*
Dans ces villages
c’est le temps
tout entier
qui se plisse
et se ramasse
se couche
au pied de l'île
grand chien calme
et grave
que tu nommes
immémorial
*
Partout la terre était nue
sous les pieds nus
latérite
terre rouge
plus rouge qu'un velours
profonde comme la terre d'Afrique
où vibre
la présence
vague
et
magique
de masques régnant
sur l'ordre cosmique
*
La terre et son mystère
croûte et poussière
rouge poudreuse
qui tôt ou tard t’ensevelira
âpre dans la bouche
*
Tout près
flancs creusés
bosse au garrot
des zébus cornus
paissaient près des cases
et dans le caniveau en contrebas
poules, cabris, chèvres barbues
partageaint leur pitance
couhou mbouzi
nyisa dipe
les bêtes vivaient à côté des hommes
gnombé ketsi karibu na dounia
dans une trêve... peut-être
*
Alors je fermais les yeux
et je me rendais
au rouge univers
au temps cyclique
le passé aboli
l’avenir absent
loin de notre foutu temps
minuté
linéaire
inexorable
*
Et même
j'avais l’impression de ne plus vieillir
là-bas
sur l'île ancestrale
même si chacun sait
au fond de soi
que le temps
un jour
le rattrapera
*
Oisifs
sont toujours les vieillards
assis au bord des routes à la sortie des villages
impassible et vide
est leur regard
pour qui ne sait pas lire en eux
ni sourire, ni animosité sur leurs traits
à quoi pensent-ils
eux que l'homme blanc peine tant à comprendre
à quoi pensent-ils
comme insensibles
au dévidoir du temps
impénétrables
à force de mutisme entêté
d’active indifférence
passifs luttant
contre la morne
morne
modernité
*
Et leurs noms,
leurs noms à eux, Mahorais
qui sonnent d’or
Oitikhi
Khadidja
Moustoiha
Neferti
Ibouroihima
noms royaux
Poèmes extraits de Lieux. Exils, voyages, L’Harmattan
Villages
Villages
qui longent la côte
de Grande Terre
pullulent
fourmillent
grouillent
chacun
une termitière
*
Tsararano
Illoni
Nyambadao
Mbouyouni
Moutsamoudou
villages
aux sonorités incantatoires
surgis de la nuit des temps
pétris dans les entrailles
tièdes et rouges
de la terre de Mayotte
*
Glissant parmi la foule
mwana ndzidou
mwegné chidza
mbouéni na chiromani
passante enchantée
j'ai volé quelques scènes
au village
d'Hamouro
*
Sur le pas des portes ocrées
j'ai vu la lumière
se refléter
sur les corps des femmes
angadza na miwili za mutru mama
allongées là
depuis la nuit des temps
paniers tressés
chevelure nattée
mukoba
na ziélé suké
*
Sur le pas des portes ocrées
où pendent les sacs de riz
lambeaux immuables
rideaux que teintent
les rouges éclaboussures de pluie
*
Autour des cases
j'ai vu les garçonnets nus
courir et se chamailler
les fillettes se pourchasser
princesses légères
en robe
à la traîne poudreuse
*
Sous l'ombre bleue
d'un abri de branchage
des hommes jouaient au m'ra
j’enviais la lenteur ordinaire
de leurs gestes antiques
*
Dans ces villages
c’est le temps
tout entier
qui se plisse
et se ramasse
se couche
au pied de l'île
grand chien calme
et grave
que tu nommes
immémorial
*
Partout la terre était nue
sous les pieds nus
latérite
terre rouge
plus rouge qu'un velours
profonde comme la terre d'Afrique
où vibre
la présence
vague
et
magique
de masques régnant
sur l'ordre cosmique
*
La terre et son mystère
croûte et poussière
rouge poudreuse
qui tôt ou tard t’ensevelira
âpre dans la bouche
*
Tout près
flancs creusés
bosse au garrot
des zébus cornus
paissaient près des cases
et dans le caniveau en contrebas
poules, cabris, chèvres barbues
partageaint leur pitance
couhou mbouzi
nyisa dipe
les bêtes vivaient à côté des hommes
gnombé ketsi karibu na dounia
dans une trêve... peut-être
*
Alors je fermais les yeux
et je me rendais
au rouge univers
au temps cyclique
le passé aboli
l’avenir absent
loin de notre foutu temps
minuté
linéaire
inexorable
*
Et même
j'avais l’impression de ne plus vieillir
là-bas
sur l'île ancestrale
même si chacun sait
au fond de soi
que le temps
un jour
le rattrapera
*
Oisifs
sont toujours les vieillards
assis au bord des routes à la sortie des villages
impassible et vide
est leur regard
pour qui ne sait pas lire en eux
ni sourire, ni animosité sur leurs traits
à quoi pensent-ils
eux que l'homme blanc peine tant à comprendre
à quoi pensent-ils
comme insensibles
au dévidoir du temps
impénétrables
à force de mutisme entêté
d’active indifférence
passifs luttant
contre la morne
morne
modernité
*
Et leurs noms,
leurs noms à eux, Mahorais
qui sonnent d’or
Oitikhi
Khadidja
Moustoiha
Neferti
Ibouroihima
noms royaux
Poèmes extraits de Lieux. Exils, voyages, L’Harmattan