
Luminitza C. TIGIRLAS, d’origine roumaine, née en Moldova orientale, annexée par la Russie, est une survivante de l’assimilation linguistique dans l’URSS. Vit et travaille en France depuis le 14 janvier 2000. Docteur en psychopathologie de Paris 7, psychanalyste trilingue à Saint Priest (Rhône).
J’étais la fille du Nucarul, le noyer que mon père Vassili TIGIRLAS avait planté dès mon premier fil de voix. En Moldova orientale, le totalitarisme soviétique enchaîna le roumain du parler parental à la graphie cyrillique. Nous respirions densément du russe, langue de Mandelstam et de ses assassins. Mon Nucarul s’élevait d’un air. Les coques de ses noix transportaient les désirs clandestins de mon idiome d’héritage condamné au lit de Procuste. Secrètement, j’ai savouré avant l’heure son retour à l’alphabet roumain via la graphie française. L’amour-poète avait trouvé son écriture.
Auteure de « Rilke-poème Élancé dans l’asphère », Harmattan, 2017.
Recueil de poésie : « Noyer au rêve », Éditions du Cygne, Paris, avril 2018. Préface de Xavier Bordes. Illustration de couverture : Doïna Vieru.
Ses poèmes et sonnets sont publiés dans les revues : Voix d’encre, Nouveaux Délits, Eurydema Ornata, Comme en poésie, 7 à dire, Triages, Friches, Verso, FPM, T-B, Traversées, Écrit(s) du Nord, ARPA, Phœnix, Poésie/première…
Contact
luminitza.tigirlas@gmail.com
Site: http://luminitzatigirlas.eklablog.com/
J’étais la fille du Nucarul, le noyer que mon père Vassili TIGIRLAS avait planté dès mon premier fil de voix. En Moldova orientale, le totalitarisme soviétique enchaîna le roumain du parler parental à la graphie cyrillique. Nous respirions densément du russe, langue de Mandelstam et de ses assassins. Mon Nucarul s’élevait d’un air. Les coques de ses noix transportaient les désirs clandestins de mon idiome d’héritage condamné au lit de Procuste. Secrètement, j’ai savouré avant l’heure son retour à l’alphabet roumain via la graphie française. L’amour-poète avait trouvé son écriture.
Auteure de « Rilke-poème Élancé dans l’asphère », Harmattan, 2017.
Recueil de poésie : « Noyer au rêve », Éditions du Cygne, Paris, avril 2018. Préface de Xavier Bordes. Illustration de couverture : Doïna Vieru.
Ses poèmes et sonnets sont publiés dans les revues : Voix d’encre, Nouveaux Délits, Eurydema Ornata, Comme en poésie, 7 à dire, Triages, Friches, Verso, FPM, T-B, Traversées, Écrit(s) du Nord, ARPA, Phœnix, Poésie/première…
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luminitza.tigirlas@gmail.com
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assises de neige
(poèmes inédits) * Des ombres déchirent les quelques mots en fuite fébrile jusqu’au bout de tes lèvres tu effleures le cou de l’aimée un lobe une mèche des cheveux fins s’entremêlent derrière l’oreille avec des syllabes naissantes elles envient les volutes d’une voix dérobée à la mémoire : Perds-toi dans le seul bois qui s’appelle codru[1] N’oublie pas d’ajouter à ton eau un peu de apă du même izvor – ta source * Toi fou d’un jaune poudré au duvet lueur ! ou fruit ? — blond-goute-ouïe -- comment te flairer dans ma neuve lingua ? « coing » n’est pas un mot poétique te dire « pomme d’or » qui te reconnaîtra ? j’en appelle au latin cydonia oblonga je trempe ma langue dans le goût d’un regard aimé sur ta rondeur nue-poire de Cydonie -- par le soûl automnal du soleil jusqu’à ta senteur gutuie[2] ! honteuse d’être cueillie en plein hiver sur ces bibliothèques -- enfance et cris — pages et brûlures * Assises de neige tes pas détournés croustillent là-bas par-dessus une meringue sans bord sur le temps en friche au sein d’une blancheur l’enfant a perdu le reflet du jardin versatile (enlacé avec l’été d’avant le thym retient son souffle sous la couette neigeuse) en glisse sur le ventre tu montres ta langue à la neige croûteuse toute velue de cristaux elle léchouille le pétale écarlate baiser ardent une saveur s’abreuve aux trois ans de ces transports et fugues carillons d’un mirage lacté — voix de ta zăpadă[3] — tu cajoles ce temps * émoi aux feuilles détrônées devant tes pas bredouilles tes joues en feu et tes chevilles pur-sang le vent te livre aux murissements l’automne triomphe dans un corps amputé d’une part invisible un air te déporte vers des contours effarés par ton indifférence aux feuillages toujours impatients |
![]() ©Doïna VIERU 2016 * Les porteurs de torches se réunissent toutes les nuits autour d’un vent alarmé il meurt à embellir leurs flammes son temps est celui d’un souffle - as-tu encore le tien ? les fanaux excités s’abandonnent l’impulsion les guide et le noir s’écoule s’éloigne des êtres stigmates fuligineux se rendent à la vue d’un même coup la chair exhorte l’exil fut long et la lumière basse * la terre de Moldova se tient au lointain au temps d’une étrangeté grondante d’un ciel banni trop haut et d’un désir détenu à ses frontières enfant sur mes collines aux cépages je portais les ailes d’un oiseau effrayé par le plaisir j’étais ce vertige aux sons envolés (1) Type de forêt en roumain (2) Coing en roumain (3) Neige en roumain |