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Déclinaisons
Xavier Monloubou
Éditions Henry, 2019
petit poucet rêveur qui jette une bouteille à la Seine, Xavier Monloubou a la tête dans les étoiles.
je vais boire le lait noir des étoiles.
caresser la cendre fissurée de l’éclipse.
m’imprégner du reste d’un pas.
tituber encore.
mais retrouver l’ivresse
de ta voix.
Il s’identifie à l’astronaute, entre dans les aspérités du ciel pour mieux se fondre à la peau de son aimée, laquelle a la couleur de la voie lactée. Tous deux, main dans la main, se tienne à la verticale de l’immensité.
Pour lui, le poète est celui qui a gardé son âme d’enfant. Il est celui qui s’envole / dès qu’il le peut / pour jeûner en silence avec le peuple du haut.
Il est souvent question de verticalité dans ces Déclinaisons. Xavier Monloubou aime tutoyer le firmament, jouer avec les voyelles, aimer sa moitié.
Ses poèmes sont des fragments d’étoiles détachées du cosmos. Il y est question de pays perdus, d’aurores, de doigts couverts de rayons.
aiguiller le ciel et certains poèmes
dans tes yeux
un gros chat étire ses pattes
puis s’endort.
Xavier Monloubou
Éditions Henry, 2019
petit poucet rêveur qui jette une bouteille à la Seine, Xavier Monloubou a la tête dans les étoiles.
je vais boire le lait noir des étoiles.
caresser la cendre fissurée de l’éclipse.
m’imprégner du reste d’un pas.
tituber encore.
mais retrouver l’ivresse
de ta voix.
Il s’identifie à l’astronaute, entre dans les aspérités du ciel pour mieux se fondre à la peau de son aimée, laquelle a la couleur de la voie lactée. Tous deux, main dans la main, se tienne à la verticale de l’immensité.
Pour lui, le poète est celui qui a gardé son âme d’enfant. Il est celui qui s’envole / dès qu’il le peut / pour jeûner en silence avec le peuple du haut.
Il est souvent question de verticalité dans ces Déclinaisons. Xavier Monloubou aime tutoyer le firmament, jouer avec les voyelles, aimer sa moitié.
Ses poèmes sont des fragments d’étoiles détachées du cosmos. Il y est question de pays perdus, d’aurores, de doigts couverts de rayons.
aiguiller le ciel et certains poèmes
dans tes yeux
un gros chat étire ses pattes
puis s’endort.
Qui dirait tout.
Valérie Harkness
Éditions Henry, 2018
Il faudrait qu’un chant du monde
S’élève
Sur les mots de tous.
Ainsi commence Qui dirait tout, le nouveau recueil de Valérie Harkness paru aux éditions Henry. Une note d’espoir, un souhait, celui d’un monde meilleur, peut-être. L’écriture est hésitante, les mots se cherchent, sont comme fragmentés. Il y a l’évocation d’un univers personnel, d’une perception du réel, avec la blancheur, le froid, et le refuge trouvé dans la rondeur et la chaleur du foyer, de la table où la mère égrène des miettes de pain, la table ronde comme la terre, et qui est le monde tout rond.
Valérie Harkness semble se situer dans un entre-deux. Elle est à la fois ici et ailleurs, toujours à la frontière entre deux états, deux temps, suspendue dans cet instant entre deux respirations, entre inspir et expir, comme en apesanteur. « Suis-je là ou pas là » ? semble-t-elle se demander. Elle oscille entre le chagrin et l’espoir. Parce que Rien ne va droit / Tout est plus tordu qu’au début. Dans l’univers qu’elle évoque, tout fuit, tout se dérobe. Tout est mouvant, jamais fixé. Les éléments s’amalgament, les contours ne sont pas définis. Peut-être parce que, un jour, Il faut quitter le corps qui nous a fait. Peut-être aussi parce que la poète, née en France et vivant en Angleterre, est marquée par l’exil.
L’exil
Ce n’est
Ce n’est plus comme avant
C’est la douceur dans la douleur
C’est deux
Mais aussi, parce que le monde dans lequel nous vivons est fragile. Il y a une inquiétude quant à l’avenir de notre planète, mais aussi de notre humanité. Et l’image de ces corps échoués sur les plages évoque peut-être celle de ces milliers de migrants qui fuient la guerre, la misère. Le cœur dans la boîte, le cœur, où se situe notre humanité, est enfermé.
Valérie Harkness, Qui dirait tout. Éditions Henry, 2018
Une pesée de ciels
Anna Jouy
Editions Alcyone, 2018
Anna Jouy a un univers tout particulier, qui n’appartient qu’à elle. Ses textes sont des reflets de cet univers, comme le lac reflète le ciel. D’ailleurs, dès le premier texte, « le lac entre dans la chambre ». « Lente venue d’une veille bleue dans mon ventre, flots de mer, flots de ciel ». Les éléments de la nature, les paysages, entrent dans l’espace du dedans, dans l’espace du corps. « Je m’y prends ainsi : dans le noir de mon œil, je mets le leurre d’un rêve », écrit Anna Jouy. Par petites touches est évoquée la présence de la douleur. Mais Anna Jouy s’échappe, s’évade : « c’est une violence de coton contre des forces noires ». Il faut choisir : « offrir à l’air mes propres espaces ou alors me laisser tomber à la fente ».
Anna Jouy fraie avec l’univers, le cosmos. « J’étais une murène vive accrochée au sexe de l’océan, un ondoiement viscéral et des dents plantées au cœur du silence ». Elle fraie avec les étoiles, la pluie, le ciel. Elle va au-dessus d’elle-même, de son corps, « le corps, qui a mal comme un deuxième chien, mâchoires à l’os ».
Il y a la mort, il y a « la nuit au ventre ». « Je respire comme le moineau qui frappe sous les draps ».
L’écriture d’Anna Jouy est une écriture inventive, qui crée un univers tout particulier, à nul autre semblable.
« Tu es l’arbre de mes pas, des dattes tombent avec nous
manne de la danse
entre les portes du verger.
Tes jambes fendent l’unique fruit
je glisse sur ton corps
jaune miel.
Tu croques les abeilles
et ce bruit des ailes qui pétillent entre tes dents
aiguise le soleil à l’ivoire de ton rire. »
Anna Jouy
Editions Alcyone, 2018
Anna Jouy a un univers tout particulier, qui n’appartient qu’à elle. Ses textes sont des reflets de cet univers, comme le lac reflète le ciel. D’ailleurs, dès le premier texte, « le lac entre dans la chambre ». « Lente venue d’une veille bleue dans mon ventre, flots de mer, flots de ciel ». Les éléments de la nature, les paysages, entrent dans l’espace du dedans, dans l’espace du corps. « Je m’y prends ainsi : dans le noir de mon œil, je mets le leurre d’un rêve », écrit Anna Jouy. Par petites touches est évoquée la présence de la douleur. Mais Anna Jouy s’échappe, s’évade : « c’est une violence de coton contre des forces noires ». Il faut choisir : « offrir à l’air mes propres espaces ou alors me laisser tomber à la fente ».
Anna Jouy fraie avec l’univers, le cosmos. « J’étais une murène vive accrochée au sexe de l’océan, un ondoiement viscéral et des dents plantées au cœur du silence ». Elle fraie avec les étoiles, la pluie, le ciel. Elle va au-dessus d’elle-même, de son corps, « le corps, qui a mal comme un deuxième chien, mâchoires à l’os ».
Il y a la mort, il y a « la nuit au ventre ». « Je respire comme le moineau qui frappe sous les draps ».
L’écriture d’Anna Jouy est une écriture inventive, qui crée un univers tout particulier, à nul autre semblable.
« Tu es l’arbre de mes pas, des dattes tombent avec nous
manne de la danse
entre les portes du verger.
Tes jambes fendent l’unique fruit
je glisse sur ton corps
jaune miel.
Tu croques les abeilles
et ce bruit des ailes qui pétillent entre tes dents
aiguise le soleil à l’ivoire de ton rire. »
Noyer au rêve
Luminitza C. Tigirlas
Éditions du Cygne, 2018
Luminitza C. Tigirlas est psychanalyste et poète. Née en Moldavie, sa langue originelle est le roumain, mais sa langue d’adoption est le français. Dans « Noyer au rêve », l’exil est évoqué, de même que la recherche d’une langue d’accueil, symbolisée par le noyer des forêts de son pays natal. Cette langue ne serait ni du français ni du roumain mais peut-être la langue de l’enfance, quand le langage s’explore et se mélange aux rêves. Ce sont des sons et des paroles qui reviennent. « la noix se love dans les feuillages / et dans mon vœu / de rejouer un cri-enfançon ». De même : « une pluie de mémoire pulse et rappelle : / dans mon enfance toutes les noix / s’échappaient de la lune ». Entre mémoire et imaginaire, Luminitza C. Tigirlas cherche une langue personnelle. Elle cherche aussi la communion, l’accueil à l’intérieur d’une sphère limpide. Une sphère où elle serait à la fois protégée mais non séparée des autres. Une sphère d’harmonie dans laquelle le « Nous » prédomine. Elle voudrait revenir en enfance, retrouver « les forêts de [s]a mère », les « figures parentales qui [l]a poursuivent ». L’exploration intérieure, les résurgence de l’inconscient, semblent avoir une place prédominante : « J’épie mon être / c’est tout ce qui m’importe / le ciel avorte mon étoile / je reste tourné vers moi », de même que le don d’amour : « D’amour suis-je increvable / comme le saule qui une fois taillé / jusqu’à l’os / recommence à verdir du pied de son tronc ».
Luminitza C. Tigirlas
Éditions du Cygne, 2018
Luminitza C. Tigirlas est psychanalyste et poète. Née en Moldavie, sa langue originelle est le roumain, mais sa langue d’adoption est le français. Dans « Noyer au rêve », l’exil est évoqué, de même que la recherche d’une langue d’accueil, symbolisée par le noyer des forêts de son pays natal. Cette langue ne serait ni du français ni du roumain mais peut-être la langue de l’enfance, quand le langage s’explore et se mélange aux rêves. Ce sont des sons et des paroles qui reviennent. « la noix se love dans les feuillages / et dans mon vœu / de rejouer un cri-enfançon ». De même : « une pluie de mémoire pulse et rappelle : / dans mon enfance toutes les noix / s’échappaient de la lune ». Entre mémoire et imaginaire, Luminitza C. Tigirlas cherche une langue personnelle. Elle cherche aussi la communion, l’accueil à l’intérieur d’une sphère limpide. Une sphère où elle serait à la fois protégée mais non séparée des autres. Une sphère d’harmonie dans laquelle le « Nous » prédomine. Elle voudrait revenir en enfance, retrouver « les forêts de [s]a mère », les « figures parentales qui [l]a poursuivent ». L’exploration intérieure, les résurgence de l’inconscient, semblent avoir une place prédominante : « J’épie mon être / c’est tout ce qui m’importe / le ciel avorte mon étoile / je reste tourné vers moi », de même que le don d’amour : « D’amour suis-je increvable / comme le saule qui une fois taillé / jusqu’à l’os / recommence à verdir du pied de son tronc ».
et leurs doigts frêles tordant le destin.
Jean Le Boël
Editions Henry, 2017
Ma poésie n’est pas grand-chose. Elle s’oubliera vite et elle ne figurera pas dans le salmigondis dont se passeront les générations à venir. C’est par ces marques d’humilité que Jean Le Boël commence son livre, dans son « bréviaire de poète » qui tient lieu d’avant-propos. Il dit aussi vouloir se mettre au service des petits, de ceux qu’on oublie. Ainsi les textes qui suivent se caractérisent-ils par leur humanité. Jean Le Boël parle de ceux qui ne sont plus là, ceux dont il reste une trace sur les photographies, mais que l’on a oubliés. Pourtant, ils étaient pleins de vie. Comment imaginer que ces hommes et ces femmes, si vivants autrefois, ne subsistent plus que dans de vieux albums poussiéreux, que l’on n’ouvre même plus ? C’est que la vie est faite ainsi, une génération chasse l’autre, et les anciens sont relégués aux oubliettes.
L’attention est portée sur les plus humbles, les vieilles personnes, ceux dont la vie est misère, de par la pauvreté, les drames, l’exil. Jean Le Boël met l’accent sur le partage, l’accueil, l’hospitalité.
viens dans ma maison
viens
il fait froid et tu as faim
Pour l’auteur, ces valeurs sont importantes, de même que l’amour : dieu est petit / seul l’amour est grand. Il y a dans toute vie, même la plus humble, des choses simples, des choses petites, mais qui suffisent pour emplir le cœur.
signes pourtant le jour sa lumière
une main douce contre ma joue
l’eau sur la langue malgré la gorge asséchée
l’étonnement devant l’autre ou le rire des matins
Le poète parle des enfants, de leur innocence et de leur capacité à réenchanter le monde ; il parle de la nature, si précieuse, et menacée par l’urbanisation. Il évoque aussi de la poésie, qui est insurrection, et de la nécessité de vivre pleinement, ici et maintenant car la mort est si grande nous n’avons pas le temps.
Jean Le Boël
Editions Henry, 2017
Ma poésie n’est pas grand-chose. Elle s’oubliera vite et elle ne figurera pas dans le salmigondis dont se passeront les générations à venir. C’est par ces marques d’humilité que Jean Le Boël commence son livre, dans son « bréviaire de poète » qui tient lieu d’avant-propos. Il dit aussi vouloir se mettre au service des petits, de ceux qu’on oublie. Ainsi les textes qui suivent se caractérisent-ils par leur humanité. Jean Le Boël parle de ceux qui ne sont plus là, ceux dont il reste une trace sur les photographies, mais que l’on a oubliés. Pourtant, ils étaient pleins de vie. Comment imaginer que ces hommes et ces femmes, si vivants autrefois, ne subsistent plus que dans de vieux albums poussiéreux, que l’on n’ouvre même plus ? C’est que la vie est faite ainsi, une génération chasse l’autre, et les anciens sont relégués aux oubliettes.
L’attention est portée sur les plus humbles, les vieilles personnes, ceux dont la vie est misère, de par la pauvreté, les drames, l’exil. Jean Le Boël met l’accent sur le partage, l’accueil, l’hospitalité.
viens dans ma maison
viens
il fait froid et tu as faim
Pour l’auteur, ces valeurs sont importantes, de même que l’amour : dieu est petit / seul l’amour est grand. Il y a dans toute vie, même la plus humble, des choses simples, des choses petites, mais qui suffisent pour emplir le cœur.
signes pourtant le jour sa lumière
une main douce contre ma joue
l’eau sur la langue malgré la gorge asséchée
l’étonnement devant l’autre ou le rire des matins
Le poète parle des enfants, de leur innocence et de leur capacité à réenchanter le monde ; il parle de la nature, si précieuse, et menacée par l’urbanisation. Il évoque aussi de la poésie, qui est insurrection, et de la nécessité de vivre pleinement, ici et maintenant car la mort est si grande nous n’avons pas le temps.
Le sable de la terre.
Ismaël Savadogo
(Le Lavoir Saint-Martin, 2015)
Ismaël Savadogo est né à Abijan en 1982. « Le sable de la terre » est son premier recueil. Un recueil tout en clair-obscur, où le jour et la nuit, la lumière et l’ombre, la vie et la mort, s’attirent mutuellement.
On aura compris alors surtout
qu’il faut un peu de temps
pour faire une vie,
qui si la lumière attire l’obscurité
et vice versa, peut-être qu’au fond
tout n’est que le même.
Le thème de la marche, du chemin à parcourir, est omniprésent. On marche, non en direction d’un but, mais pour l’acte de marcher lui-même, pour élucider une énigme, mettre de l’ordre dans ses pensées, avoir du monde une vision claire. Car, si l’on est en proie à son âme, on ne voit pas « les traces / laissées sur le sol », les signes que nous envoie le monde.
Ainsi, la marche, le chemin, sont étroitement liés à la perception. Il s’agit d’ouvrir quelque chose à l’intérieur de soi, d’être plus réceptif au monde qui nous entoure, quand parfois nos yeux demeurent fermés.
L’écriture d’Ismaël Savadogo recèle de la tendresse et de la douceur. Elle s’interroge sur la mémoire, sur le temps que dure une vie, sur les traces que nous laissons, nous qui ne sommes que de passage sur cette terre.
C’est aussi cette condition
qui permet de veiller
le peu d’espoir qui reste,
de marcher chaque jour
seul avec sa tristesse
et de sortir dans l’obscurité de la nuit
pour écouter battre le cœur des anges.
Il faut aller vers chaque fois, fuir vers toujours. Il y a une forme d’humilité dans ce recueil, qui aborde notre petitesse d’être vivant, minuscule dans le
Ismaël Savadogo
(Le Lavoir Saint-Martin, 2015)
Ismaël Savadogo est né à Abijan en 1982. « Le sable de la terre » est son premier recueil. Un recueil tout en clair-obscur, où le jour et la nuit, la lumière et l’ombre, la vie et la mort, s’attirent mutuellement.
On aura compris alors surtout
qu’il faut un peu de temps
pour faire une vie,
qui si la lumière attire l’obscurité
et vice versa, peut-être qu’au fond
tout n’est que le même.
Le thème de la marche, du chemin à parcourir, est omniprésent. On marche, non en direction d’un but, mais pour l’acte de marcher lui-même, pour élucider une énigme, mettre de l’ordre dans ses pensées, avoir du monde une vision claire. Car, si l’on est en proie à son âme, on ne voit pas « les traces / laissées sur le sol », les signes que nous envoie le monde.
Ainsi, la marche, le chemin, sont étroitement liés à la perception. Il s’agit d’ouvrir quelque chose à l’intérieur de soi, d’être plus réceptif au monde qui nous entoure, quand parfois nos yeux demeurent fermés.
L’écriture d’Ismaël Savadogo recèle de la tendresse et de la douceur. Elle s’interroge sur la mémoire, sur le temps que dure une vie, sur les traces que nous laissons, nous qui ne sommes que de passage sur cette terre.
C’est aussi cette condition
qui permet de veiller
le peu d’espoir qui reste,
de marcher chaque jour
seul avec sa tristesse
et de sortir dans l’obscurité de la nuit
pour écouter battre le cœur des anges.
Il faut aller vers chaque fois, fuir vers toujours. Il y a une forme d’humilité dans ce recueil, qui aborde notre petitesse d’être vivant, minuscule dans le
Une montagne (François Coudray)
L'Harmattan
« Une montagne » de François Coudray est un beau livre-hommage au père et au pays de l'enfance.
La montagne symbolise le père, qui est force et présence. Il y a la relation au père, mais aussi à la montagne ainsi que les souvenirs de l'enfance (« odeurs de vieux cuirs mouillés, de graviers et de neige, et la terre »).
Cette montagne à la fois absente et si proche, est omniprésente.
« montagne absente pourtant si proche et partout là derrière intérieure comme la mort, le visage d'un enfant »
L'enfant en soi ne cesse de vivre, il est enfant de lumière, il tient par la main et guide le pas. Les années ont passé, le paysage a changé, mais l'enfant est toujours là, adossé à la montagne. L'adulte porte en lui « la douceur de la morsure du froid », éprouvée lorsqu'il était enfant. Marque indélébile. L'enfant est enfant de lumière et la montagne est d'une blancheur immaculée.
« elle est là pourtant dans la lumière aveuglante sur la neige, les fleurs sanguines de la mousse qui s'ouvrent au soleil, le rocher »
La montagne est la métaphore du père, dont le souvenir visite le poète, parfois de façon violente, inattendue, le meurtrissant dans sa chair. S'ensuivent des mots détachés des parois pour dire cela, « l'enfance le temps du père la terre ». Ainsi le texte est fragmenté sur la page, comme « roches éclatées ».
Il y a la mémoire des aïeux, des morts ; les étoiles, symboles des millénaires. L'écriture touche ici à l'immémorial. Elle accumule « les brindilles bois morts des arbustes pliés par le vent les graviers les galets charriés sur la moraine les aiguilles de sapin mélèzes épicéas sur la terre dans la terre la fougère couchée », comme autant de preuves archéologiques.
Racines (Valérie Harkness)
Éditions Henry Le terme Racines réfère aussi bien aux racines d'un arbre qu'au lieu d'où l'on vient et aux origines. Les racines de l'arbre plongent dans la terre. Sans racines, on ne peut tenir debout. Valérie Harkness commence son recueil avec une partie sur la naissance, intitulée « Née ». Elle se rapproche du végétal, du monde animal et sauvage, devient un arbre qui germe dans la terre. Je suis née Sous la terre Loin des mains Qui écrivent des destins Elle semble vouloir s'éloigner de l'humain dont les mains Sont restées / Impuissantes / Paresseuses. Mais elle voit ensuite tout ce qui manque aux racines, tout ce que nous, humains, avons, et qu'elles n'ont pas : les bras, les yeux, la tête, le coeur, la danse, les mots… Valérie Harkness est à la fois humaine et végétale. Elle est à la fois femme et arbre. Son poème est une longue métaphore. Après la naissance, il y a la vie, et durant toute la vie, il y a le temps d'avant et le temps d'après. Le temps d'avant, le vide, puis la naissance, puis l'enfance. Et durant toute la vie, le temps d'avant pèse plus que prévu, car on cherche ses racines, on a la nostalgie du temps d'avant, qui imprègne le temps d'après. Il y a dans le temps d'après La douceur, la caresse, les odeurs, les secrets D'avant Au fil du temps le bois se façonne, le temps, la vie laissent leur empreinte, le visage, le corps, le caractère sont façonnés comme par des mains. Ils portent une trace. |
Le recueil se termine avec une partie intitulée « Morte ». Le cycle de la vie se termine. On naît, on vit, on meurt. On retourne à la terre, d'où l'on est venu. « Racines » parle aussi, indirectement, de l'exil. Ceux qui ont quitté leur pays d'origine pour un autre pays cherchent toute leur vie, et beaucoup plus que les autres, leurs racines. Ils se sentent coupés d'une partie d'eux-mêmes. Leurs racines sont enfouies dans la terre d'un autre pays. Pourtant, parfois, il suffit juste d'écouter son coeur. Tête et yeux baissés sur mon coeur Encore une fois juste au cas où On ne sait jamais Des fois que quand même J'aurais négligé Quelque chose Comme le coeur des choses Là, Au milieu de tout Mais c'est quoi qui m'a pris Finalement Quand j'ai glissé Vent dans les voiles « qu'est-ce que ça peut faire d'où je viens ? » Valérie Canat de Chizy (28 novembre 2016) Anna Jouy, De l’acide citronnier de la lune. Editions Alcyone, Editions Alcyone, B.P. 70041, 17102 Saintes cedex, France. e-mail editionsalcyone@yahoo.fr Site sur internet www.editionsalcyone.fr |
Pour Anna Jouy, la réalité est inséparable de l’émotion. L’une et l’autre se répondent,
par jeux d’images. Anna Jouy aime rapprocher des réalités a priori éloignées en jouant
avec les métaphores. Ainsi, en écrivant « Je tousse des miettes de froid », elle compare
les particules de toux à de la neige ou du givre. L’écriture est là pour transformer le réel,
le rendre foisonnant. « Je sors mes images, la métaphore variable, un lièvre pour faire
un paysage », écrit-elle. Face à l’absence de perspectives, il y a le désir de se remplir
d’incroyables. Le poème rassemble les morceaux éparpillés, met le monde à la bonne
proportion. Le poème va de pair avec l’aube, ce moment où la nuit et ses « corridors
toujours hantés » se dissout. Avec l’aube, vient le temps du poème, qui rétablit l’unité.
« Mettre l’accent sur ce ton diaphane de l’aube, la presser de me reconnaître, qu’elle
me sorte de la nuit, qu’elle pèle mon obscurité, qu’elle me définisse des humains et
des vivants ». Il y a les fantômes de la nuit, les obsessions et les blessures.
Anna Jouy recherche l’évasion dans le rêve, la verticalité. Elle cherche la fuite, a soif
d’espace. Elle voudrait se fondre dans le paysage. « Je mange la pluie, son sel d’écailles ».
Son appétit de vivre, son besoin d’expérimenter, par le langage, semblent insatiables.
Valérie Canat de Chizy
par jeux d’images. Anna Jouy aime rapprocher des réalités a priori éloignées en jouant
avec les métaphores. Ainsi, en écrivant « Je tousse des miettes de froid », elle compare
les particules de toux à de la neige ou du givre. L’écriture est là pour transformer le réel,
le rendre foisonnant. « Je sors mes images, la métaphore variable, un lièvre pour faire
un paysage », écrit-elle. Face à l’absence de perspectives, il y a le désir de se remplir
d’incroyables. Le poème rassemble les morceaux éparpillés, met le monde à la bonne
proportion. Le poème va de pair avec l’aube, ce moment où la nuit et ses « corridors
toujours hantés » se dissout. Avec l’aube, vient le temps du poème, qui rétablit l’unité.
« Mettre l’accent sur ce ton diaphane de l’aube, la presser de me reconnaître, qu’elle
me sorte de la nuit, qu’elle pèle mon obscurité, qu’elle me définisse des humains et
des vivants ». Il y a les fantômes de la nuit, les obsessions et les blessures.
Anna Jouy recherche l’évasion dans le rêve, la verticalité. Elle cherche la fuite, a soif
d’espace. Elle voudrait se fondre dans le paysage. « Je mange la pluie, son sel d’écailles ».
Son appétit de vivre, son besoin d’expérimenter, par le langage, semblent insatiables.
Valérie Canat de Chizy
Website by Susie Harkness