IL NE FAUT PAS LE RÉPÉTER
Je déclamerai sur les seuils pas encore franchis des chalets de bois hospitaliers à l'extrême limite des arbres seuls les chamois seront témoins de mon concert matinal après une nuit à cuver une bouteille de génépi si la chance me sourit me répondra l'écho il harmonisera mes notes hésitantes pour en faire un choral haut perché je m'époumonerai sans avoir à en subir les conséquences néfastes " je préfère la vie a la poésie ! " Florent Toniello Vidée vers la mer pleine (Editions Phi)
0 Comments
BALLADE DES JARDINS
Ni d'une oreille de lièvre, ni d'une queue d'écureuil je ne toucherai l'air : je ne crois pas à une telle fuite hors d'un million de cellules au delà de la prison épithéliale. Dans un jardin, un jardin sans mémoire, D'où vous partez, évitant les mots grinçants fendus, ma paume est clouée au tronc d'un cerisier. Et la cerise tiède a mûri près du clou. Olga Sedakova (poème traduit du russe par Guislaine Capogna Bardet) Plutôt le vol de l’oiseau qui passe sans laisser de trace,
que le passage de l’animal, dont l’empreinte reste sur le sol. L’oiseau passe et oublie, et c’est ainsi qu’il en doit être. L’animal, là où il a cessé d’être et qui, partant, ne sert à rien, montre qu’il y fut naguère, ce qui ne sert à rien non plus. Le souvenir est une trahison envers la Nature, parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature. Ce qui fut n’est rien, et se souvenir, c’est ne pas voir. Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à passer! Fernando Pessoa UNE FLEUR D'OMBRE
La peau ombragée du sommeil clignote et sous une lune violette de filles laides brûlent des fétiches de bois pour apaiser la fièvre de leurs lèvres Les chauves-souris viscères volantes de la nuit se réveillent et sous leur vol lourd de silence l’homme parfois interroge l’ombre Lorsqu’il croit saisir entre ses mains son visage ce n’est que la lune fleur tiède de l’ombre qu’il embrasse Marcelle Kasprowicz SANS.
C’est l’été; nous fuyons avec le bus, grise étoile, sous les arbres oubliés un peu. Leurs ombres, des deux côtés, s’étalent en taches étonnées sur les façades, échos de paroles surgies nulle part. Plus loin, dans la nuit des maisons, on devine comme un appel d’océan; d’une immensité distraite qui ne nous attire ailleurs que pour se détourner, tendant une glace ternie au rien, sans plus de commentaire. Le piano surnage, noir, dans un silence encore bourdonnant. (Il pleut seulement là, sur le bord, où la pluie fait à peine une robe d’oubli aux corps des femmes, des femmes qui, trop claires, pleuvent doucement sur nos chemins.) On ne hâte rien; toute chose vient à nous quand il est temps. Aux arrêts de bus, hagards, nous nous attendons nous-mêmes, sans attendre. Petr Kràl Je pose le muguet sur la partition de musique
et je déchiffre le chant du rossignol. Le rossignol est comme une plante: il absorbe l’humidité et fleurit. Rossignol et muguet sont de la même famille. Et moi? Serrée dans l’étau de l’alphabet, le cordon ombilical du langage m’enlace et m’étrangle. Darwin, Darwin, je veux revenir en arrière! Vera Pavlova VINGT-DEUX FOIS DIX VERS D’AMOUR
DE LA CHAMANE, SANS JE ET AVEC TOI (1/2) 5. femme éponge suis sèche à la détente imbibée d’un rien m’habille de mollesse recueille les gouttes de miel de chantilly qui pimentent notre enlacement jamais du côté du grattoir toujours douce de succion naturelle ★ 6. femme artichaut suis resserre mes feuilles sur le trésor poilu de mon cœur bouillie dans la cocotte-minute pressée à dix atmosphères libère les arômes dont on fait des plats aphrodisiaques des liqueurs ambrées à croquer sans modération plus belle à l’intérieur Florent Toniello On se fait une lune pour repasser nos rêves
Pour avaler nos corps lourds et chauds sur la toile En plein soleil du soir On se la fait pleine Et on se la mâchouille jusqu’au souffle de l’aube Une fois Là-haut Le voyage nous prend Nous volons Le voyage nous tend Les doigts de l'horizon Nos songes, Ces moines silencieux Versent leurs désirs libérés Extrait de Ruban, d'Anna Jouy et Valerie Harkness Je suis née avec un mouchoir à mettre au bout d’un bâton pour déjeuner sur l’herbe.
Des quatre coins, j’ai empaqueté le tour de la Terre, Et des lisières, tissé les ténèbres. J’ai compris qu’il pouvait contenir l’ensemble indéterminé de mes larmes, Ou le désagrément des ronces écorche-ventres Qu’il avait des devoirs de valise, de besace, de garder le pain frais Ou de m’abriter d’une soif de béret. Je suis née avec cette étoffe de licier flemmard n’envisageant le monde Pas plus loin qu’un foulard Un mouchoir bien à moi, pour le souvenir Qu’on laisse choir à pied d’homme, si l’amour à pister Ou d’une seule pomme s’il fallait y cacher le péché C’est un outil de poche, une boutonnière virtuose Quand on joue au poète qui raconte les roses Lorsqu’elles sont éternelles et si fausses parfois. Anna Jouy (extrait de Ruban, d'Anna Jouy et Valerie Harkness) |
Juin 2016
Qui parle de nous ? C’est Claude Vercey dans Decharge (la revue) qui parle de nous. Allez-y: http://www.dechargelarevue.com/De-Leeds-et-d-Ailleurs.html Website by Susie Harkness
|