Toi sois tout
ma mère ma sœur ma meilleure amie mon frère je suis ton père ta pute ton frère amants formidables nous remplaçons ceux qui ne peuvent plus trembler dans nos bras sous notre langue trembler sans crainte et repose-toi en moi d’avoir tremblé sous les coups les balles et les injures parler enfin avec nos langues d’instant sans passé l’avenir reste ce qu’il est inexistant (Sabine Huynh)
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Son las cinco de la tarde
C’était l’heure où le toréador rendait l’âme dans l’arène de Madrid L’heure des bars et des flamencos Je me souviens d’une fille rencontrée par hasard Avec qui nous marchâmes dans Madrid jusqu’à l’aube Malgré celui qui citait Cervantès du haut de son balcon Et les serenos qui répondaient très vite à l’appel de nos mains C’était l’heure des soupers sans fin Et des promenades sur la Gran Via jusqu’au petit matin Nous relisions Hemingway et Lorca Son las cinco de la tarde Gary Klang Grand Rue
une langue étrangère on se débrouille bientôt la mémoire s’habitue ça reste une prothèse comme un dentier une jambe de bois je pense Main Street il ne se passe rien je pense Grand Rue un tapis volant m’y dépose. Christian Garaud mes mots n’ont pas suffi pour te tenir la main
à mon frère parfois l’enfant perdu on marche dans le murmure fou de la ville, horizontale sans fuite on essaye des mots déchirer le poing contre les pierres de murs qui n’existent pas la paume ouverte à la coupure des herbes * retrouver le goût de la terre sous la langue les ongles des mots mon sang ne pas se laisser séparer (François Coudray) toi, revêtu de ta peau d'étranger
couverture sombre sous nos soleils crus toi d'ailleurs de ce que je ne saisis pas - ma main se tend en vain- baigné nourri des âmes en exil toi, dépareillé de tes semblables exogène sève dans le verger d'Eden toi l'Afrique, l'Orient aux accents de piments et de miel jusqu'où t'ai-je poussé tassé encoigné dans tes cages jusqu'où ai-je perforé ta fierté et combien de fois pour qu'elle coule tant de ton sang et maintenant du sang des autres jusqu'à quelle nuit d'injustice quelles souillures quelles révoltes t'ai-je conduit comment ignorerais-je le dessin rouge que ton cœur explosé a fait partout sur ma face et mes enfants comment ignorerais-je que c'est l'innocence qui saigne la tienne gangrenée et celle des victimes et que ce ne seront jamais ni eux ni toi qu'il fallait crever mais ce miroir parfait dans lequel mon monde si laid se mire (Anna Jouy) A la Une de Dailleurspoésie, pour quelques semaines, nous accueillerons des textes sur l'exil. Le "déplacement" figure dans les journaux sous forme de chiffres qui ne reflètent que vaguement le mouvement qui se fait PARMI les hommes et les femmes et DANS les hommes et les femmes qui se déplacent. Mouvement tant physique qu'émotionnel et psychologique.
Il est clair à mon sens que la poésie, elle, compte, et qu'elle compte autrement et vraiment. Vent Orphelin (issu de "Qui dirait tout" à paraître aux éditions Henry en 2018) a donc cédé la place à un texte d'Anna Jouy plein d'une force grave. Je propose de ne pas laisser disparaitre les textes remplacés. Voici donc Vent Orphelin. VENT ORPHELIN C’est qu’on donne tout à l’exil. Il court vite et il souffle fort Comme un vent qui s’emporte. Quand l’exil prend Il bouscule ou il tord On s’abandonne alors. On dirait qu’il bat ou qu’il tue. C’est un vent qui charrie les âmes bouleversées et leurs corps Mélangés. L’exil, c’est le vent qui emporte les arbres et leurs racines Qui ne ménage ni les âmes perdues Ni les corps suspendus . L’exil est un vent orphelin qui hante Les lieux de passage Dans le ciel noir, un oiseau blanc Ebloui Une voile dans la tempête. (Valérie Harkness) En lisant François Cheung, je note "Ceux qui affirment que les cultures sont irréductibles les unes aux autres s'étonnent-ils jamais assez qu'une parole particulière, à partir du lieu d'où elle est issue, arrive tout de même à franchir les entraves et atteigne l'autre bout du monde, pour y être comprise. Plus la parole est porteuse de vérité humaine, plus rapidement elle est comprise." et je suis émue.
Je viens de recevoir l'info lettre de M. Prémat (député Europe du Nord). Comme les inquiétudes se font plus grandes quant aux conditions de résidence des Européens au RU post Brexit, il note : "J’ai conscience des inquiétudes qui montent après les déclarations successives de Theresa May sur le hard Brexit, c’est pourquoi j’ai envoyé un courrier à la Ministre Amber Rudd pour attirer son attention sur les conditions de résidence des Européens au Royaume-Uni. Une société qui fige et gifle les processus migratoires est condamnée à régresser, cela se vérifie tous les jours. La représentation politique des Français d’Europe du Nord prend une nouvelle signification dans ce contexte. C’est ainsi, toujours dans l’optique de défendre les droits des Français résidant au Royaume-Uni, que j’ai déposé, le 20 février, une proposition de résolution relative à « la garantie des droits des Français(es) établi(e)s au Royaume-Uni après la sortie du Royaume-Uni après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. »
Dans le contexte actuel, il me semble qu'il est bon de partager sentiments, reflexions et faits d'actualité. Luminitza Tigirlas nous fait part de la publication de son dernier livre "Rilke-Poème Élancé dans l'asphère" chez L'Harmattan. Les bonnes nouvelles se partagent, d'autant que Luminitza rejoindra nos poètes Dailleurs en mars prochain.
Comme il faut bien renouveler, rafraichir ou "mettre à jour" notre page d'accueil, j'ai demandé à Jean de proposer un de ses billets qui suscitent la reflexion et qui sont pertinents au thème de Dailleurs. J'ai donc dû me séparer du beau texte qu'il nous avait offert sur les racines, l'étranger et les frontières et le remplacer par son joli billet à clins d'oeil à Supervielle et Homère entre autres.
Pour ne rien perdre, voici ici le premier billet de Jean le Boël : "De mon ascendance « croisée porte et fenêtre », comme disait les vieux de mon enfance, j’ai très tôt tiré la certitude que je me ferais à tous les sols, même si une part de moi resterait toujours d’ailleurs, où que je fusse. Ce n’est pas le manque de ses racines qui saute aux yeux, mais la pléthore et la vigueur de celles qui se développent dans tout terreau inconnu. Étrangers à la Baudelaire – les artistes et les créateurs particulièrement –, nous nous croyons habités par un là-bas dont nous crierions le manque et nous soupçonnons certains, qui se croient ancrés, de ne le clamer si fort que pour conjurer la menace de la disparition de ce qu’ils chantent ; chez d’autres, le déplacement concret, l’exil dans une langue différente nourrissent une expérience plus ambiguë que D’ailleurs – que vous découvrez – a pour projet d’accueillir et de célébrer." |
Juin 2016
Qui parle de nous ? C’est Claude Vercey dans Decharge (la revue) qui parle de nous. Allez-y: http://www.dechargelarevue.com/De-Leeds-et-d-Ailleurs.html Website by Susie Harkness
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